01.2021 | Résidence sélectionnée : Photographie et Chorégraphie | Delphine Gatinois

Delphine Gatinois, née en 1985 à Reims, fonde sa création par des immersions dans de nouveaux contextes. 

« Dans sa mobilité, Delphine rassemble des lieux multiples et des réels épars. La création de chaque œuvre, toujours, commence dans un lieu, continue dans un autre. Pour s’enrichir quelque part, plus loin du premier point de vue où tout a commencé… »* Chab Touré

Une dimension sociale est au cœur de ses recherches. Photographe, elle ne fait pas que des photographies. Elle réalise des sculptures photographiques, elle chorégraphie des images, construit des performances numériques et fabrique des livres-objets.

Depuis son projet de diplôme, elle travaille fréquemment entre la France et l’Afrique de l’Ouest, où elle a imaginée La Marchandise du Vide. Elle invite deux danseurs à la rejoindre au cœur de ce projet transversal qui croise vidéo, performance et photographie. Elle y observe et transforme la nature des liens et des marchandises de seconde main échangées entre l’Europe et plusieurs pays frontaliers du Mali. Avec ce projet, elle est l’une des lauréates du prix Mécènes du Sud en 2018 et obtient le Prix de la Nuit de l’Instant.

Dans Les Génies, elle compose d’imposants costumes végétaux pour faire surgir l’invisible. Elle travaille ici la force mystique du monde végétal. Pour Les Porteurs, elle costume les chevaux de la capitale Sénégalaise en riches destriers. Dans cette approche photographique et textile, elle s’intéresse à la place des conducteurs de charrettes Sénégalais.

La chauve moisson - Delphine Gatinois

Depuis 2015, elle développe Omerta, un corpus d’œuvres pensé et mené dans différentes zones rurales. C’est un regard, un ensemble de gestes liés à des interrogations autour de l’activité agricole. Ses répercussions écologiques, ses fonctionnements sociaux, ses rapports au paysage et à la propriété en font pour elle un sujet de recherche qui a pris et continue de prendre forme sur plusieurs

années. Omerta se compose de deux chapitres qui se distinguent par leurs zones géographiques à travers le monde. La Chauve moisson est l’un d’entre eux. Il prend corps au sein de contextes agricoles Français.Tres Surcos est le second qui lui, s’est développé au Mexique et dans lequel elle déjoue l’idée de rendement agricole en voulant devenir le plus petit agriculteur du monde. De 2013 à 2020, elle réalise plusieurs résidences de création comme la Casa Proal et PAOS GDL au Mexique ou La Villa Pérochon à Niort en France. Son travail est exposé lors du festival Circulations à Paris, aux Rencontres de la photographie d’Arles, à Altitude + en Suisse ou encore à la Biennale de la Photographie à Bamako en 2019.

L'homme image - Delphine Gatinois

Le Projet : PROXEMIE

La proxémie correspond à notre façon d’occuper l’espace en présence d’autrui.

Actuellement, les corps s’écartent, se méfient et ce sont nos proxémies individuelles puis collectives qui sont en train de se redéfinir. Proxémie est un projet transdisciplinaire pensé comme une expérience. C’est un projet qui combine photographie et chorégraphie afin de proposer une alternative visuelle et corporelle à cette période sous la forme d’un folklore provisoire.

Il y a dans le folklore ces dimensions primordiales: celle de l’amusement et celle du politique. Et au cœur de tout folklore, il est aussi question de s’approprier autrement l’espace public.

A travers cette distance préconisée ou imposée, nos usages de l’espace public se sont réorganisés. Dans les transports en commun, des places vides sont laissées et rendent ainsi ce vide concret : c’est pour un corps absent. Ces vides deviennent palpables, perceptibles. Ils s’acceptent et rentrent dans nos habitudes vis à vis d’autrui. Aujourd’hui, un peu partout, entre deux corps, il pourrait s’en glisser un troisième. Si ce vide fantomatique est une mesure sanitaire il devient aussi immanquablement, un indicateur de méfiance. Les masques en vigueur se sont banalisés et nous banalisent. On ne reconnait plus un tel ou un tel. C’est une forme d’anonymat qui s’impose, une monotonie visuelle à laquelle il faut aussi remédier.

Dans d’autres contextes, porter un masque, c’est devenir libre. C’est s’affranchir du regard des autres, c’est devenir quelqu’un d’autre.

Dans Proxémie, je veux concevoir des costumes pensés comme des éléments sculpturaux. A la fois plastrons, coiffes et masques, ces structures, s’apparenteront aux premiers scaphandres mais aussi à des couvres chefs tirant vers le ciel.

Toujours aptes à nous protéger, ces masques-structures nous distanceraient les uns des autres dans cette nouvelle proxémie. Car entre eux, ils se connectent et se relient via la tête.

Cette fois, la distanciation prend l’allure d’un jeu provisoire, d’une parade presque, pour induire des mouvements chorégraphiques photographiques. Dans ces déplacements à la fois collectifs et individuels, se déverrouillent et se réorchestrent les corps. Le toucher est maintenu à travers une zone inhabituelle, le haut de la tête. Il s’agit de se laisser guider par l’autre, de se refaire confiance. Il s’agit aussi de se déplacer, de s’inscrire autrement dans nos espaces habituels.

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